Chèr(e)s ami(e)s du Petit salon,
Un grand merci pour vos retours qui ont contribué à la rédaction de ce compte-rendu dont voici ci-dessous les grandes lignes.
Actualité littéraire (Catherine H.)
1 - Discours d'Annie Ernaux à Stockholm : « J'écrirai pour venger ma race". (En annexe le discours)
2 - Le 8ème livre de Daniel Pennac, le dernier ? : Terminus Mallaussène. Au fil des textes, D. Pennac raconte l'histoire de Benjamin Mallaussène et de sa tribu foutraque... Lorsque Gallimard accepte enfin de publier les premiers tomes de la saga dans la prestigieuse collection blanche, l'éditeur lui dit "Mais, vous avez conscience que vous êtes complètement cinglé". Toutes ces tribulations sont racontées avec beaucoup d'affection. (En annexe article Le Monde du 16/01/2023)
3 - Le romancier, nouvelliste et poète américain Russel Banks auteur notamment de "De beaux lendemains" et "d'affliction", né en 1940, est mort à New-York le 7 janvier. Il avait bâti "l'une des œuvres les plus progressistes et les plus anticonformistes de la littérature américaine". "Oh, Canada" paru en 2022 est son treizième et dernier livre. (En annexe article Le Monde du 09/01/2023)
Informations sur le Canada
Paul nous a lu son compte-rendu fort instructif sur « la littérature des premières nations du Canada ». (En annexe)
Marité nous a remis des cartes du Canada, son territoire national, ses régions et sa démographie. (En annexe)
Nos lectures
« Le chemin des âmes » de Joseph Boyden - éd. Albin Michel 2006
Pendant trois jours, à bord du canoë qui les ramène chez eux, et tandis que sa tante essaie de le maintenir en vie, Xavier revit les heures sombres de son passé : l'engagement dans l'armée canadienne avec Elijah, son meilleur ami, et l'enfer des champs de bataille en France...
L'histoire du peuple Crees décimé et spolié de ses terres par les soldats blancs entre alors en résonance avec les récits de combats du jeune homme noyé dans un des plus horrible massacre de l'histoire de l'humanité. Alors que Niska arrive à remonter aux temps heureux de sa tribu, Xavier lui ne se sort pas de sa vision traumatisante de la violence et de la fureur incarnées par son cousin Elijah transformé en bête sauvage par la vue du sang et par la consommation excessive de drogue. En effet comment ne pas devenir fou dans un monde où on passe par les armes un gamin de dix-huit ans pour s'être endormi sur son tour de garde et ou la seule consigne donnée aux combattant est de tuer, de tuer et de tuer encore. Les deux jeunes indiens pour leur habileté au tir vont devenir les tireurs d'élite de leur compagnie et les bêtes noires d'un ennemi accablé par leur redoutable efficacité. Dans ce monde fracassé ou les deux seules portes de sortie sont la mort où l'hôpital psychiatrique la lumière ne vient même pas d'une présence féminine et innocente.
Patricia F. : Ce récit est terrible et sans espoir, c'est le premier livre d'un écrivain canadien marqué par un père militaire et par le sang indien qui coule en partie dans ses veines. C'est aussi un roman qui retrouve les mots désespérés de ceux qui ont vécu de près cet enfer et qui l'ont raconté (Erich Maria Remarque, Ernst Junger, Maurice Genevoix, Roland Dorgeles et beaucoup d'autres.)… Beau et terrifiant à la fois.
« Pilgrim » de Timoty Findley - éd. Folio 2002 (publié pour la première fois par HarperFlamingo au Canada en 1999)
Brève présentation de Pilgrim de Timoty Findley, né en 1930 en Ontario; Le livre paraît en 2002, l'année de la mort de l'auteur.
La mort a refusé Pilgrim. Réfugié dans le mutisme, il est interné dans une clinique psychiatrique de Zurich où l'un des médecins, Carl Yung, est fasciné par ce patient. Pilgrim est historien de l'Art et l'auteur d'un livre remarqué sur Léonard de Vinci. Pilgrim aurait-il été Léonard, mais aussi Savonarole, aurait-il participé au siège de Troye etc... Pilgrim est-il immortel ou affabulateur ou schizophrène ? Yung espère obtenir des réponses dans son journal intime. Ce livre évoque aussi le monde de la psychanalyse au début du XXème siècle.
Catherine H. : "Voyage passionnant et surprenant pour le lecteur".
« Payer la terre » de Jo Sacco (BD) - éd. Futuropolis et XXI 2020
Jo Sacco est un américain maltais né en 1960. Il est journaliste, et sa particularité c’est d’écrire de la BD reportage, on dit aussi reportage graphique. Il a écrit sur la Palestine, la Bosnie, l’ile de Malte.
Payer la terre, c’est l’histoire des Dénés un peuple autochtone des territoires du Nord Ouest Canadien, le long du fleuve Mackenzie, de la spoliation de leur terre, pour l’exploitation du pétrole et du gaz de schiste.
Annette L. : Cet ouvrage est lourd, dense il y a beaucoup de texte à lire, c’est long et complexe. Il revient sur le passé, notamment les premières rencontres avec les anglais, le rapport initial à la nature qui a été mise à mal par la colonisation, les enfants retirés à leurs familles et maltraités dans les pensionnats et les problématiques d’aujourd’hui. : L’alcool, la pauvreté, les aides sociales, et les différences de perceptions entre les générations, la recherche des solutions
Pour les Dénés, il faut payer la terre c’est-à-dire la remercier, lui accorder des offrandes pour les bienfaits qu’elle nous apporte, c’est-à-dire tout le contraire de l’exploitation par les mines, qui prennent les richesses, sans rien donner en retour.
« La Femme qui fuit » d’Anaïs Barbeau-Lavalette –éd. Marchand de feuilles 2015
Née en 1979, québécoise, romancière et réalisatrice de 2 films, prix des libraires du Québec pour ce livre publié en 2015, artiste pour la Paix en 2012.
L’auteure et narratrice veut comprendre pourquoi et comment sa grand-mère a abandonné ses 2 enfants tout jeunes (dont sa mère, Mousse), un traumatisme familial. Elle engage une détective privée et, à l’aide des éléments apportés, fait revivre cette grand-mère, Suzanne Méloche, femme « libre, intense, choquante » liée au mouvement artistique des Automatistes, poète elle-même.
Marité L. : Par petites touches, à la manière d’un peintre, Anaïs B.L « raconte » la vie de sa grand-mère en s’adressant à elle, comme pour la sortir du vide qu’elle a créé, comme pour la comprendre. Elle fait de ce récit un vrai roman, d’une écriture limpide, presque tendre. Un très beau livre.
« Jeu Blanc » de Richard Wagamese –éd. 10/18 - 2019
Richard Wagamese (1955-2017) est un écrivain indigène canadien. Appartenant à la nation des Ojibwés, originaire du Nord-Ouest de l’Ontario, il fut le premier lauréat amérindien à gagner un prix national en tant que journaliste.
Après « Les étoiles s’éteignent à l’aube », « Jeu blanc » (paru en 2012 au Canada) est inspiré de sa propre histoire et est son deuxième roman traduit en français. « Jeu blanc » est en fait le nom du sport national qui est le hockey sur glace.
Richard Wagamese sous le nom de Saul Indian Horse raconte son histoire dans les montagnes du Canada bercé par les récits de sa grand-mère qui l’a élevé dans sa petite enfance et son adolescence dans un internat de « blancs » cherchant à effacer tout trace de ses origines indiennes.
Grâce au Hockey sur glace dont il sera un joueur surdoué, il entame une carrière et s’intègre malgré le racisme qui règne au Canada dans les années 1970.
Pierrette L. : Remarquablement écrit, ce livre passionnant est bouleversant. Ce jeu blanc va devenir pour ce jeune héros un instrument de résilience et d’assimilation.
« Kukum » de Michel JEAN – éd. Libre Expression - 2019
Michel JEAN né en 1960, écrivain et journaliste, issu de la communauté innu de Mashteuiatsh au Saguenay/lac St Jean.
Cet ouvrage est l'histoire de sa grand-mère. C'est elle qui raconte sa vie.
Elle n'est pas d'origine innu mais d'origine irlandaise, orpheline et adoptée par des blancs québécois petits agriculteurs.
Très éprise de liberté, elle choisit un autre destin par la rencontre d'un indien innu, qui l'épouse et l'amène dans son clan.
Dans la 1ere partie de l'ouvrage elle raconte l'apprentissage, avec une détermination sans faille, de leurs coutumes et savoir faire y compris la chasse et la migration annuelle, très spectaculaire. Elle est immédiatement adoptée et trouve dans cette communauté chaleur, affection et respect mutuel; les femmes sont les égales des hommes. C'est une vie dure mais tellement libre et tellement en communion avec la nature qu'ils respectent. Elle aime cette vie et donne naissance à de nombreux enfants.
La 2ème partie est en contraste total. C'est la spoliation de leurs terres par les blancs, avec une violence inouïe. Cet arrachement vécu de l'intérieur est décrit d'une manière d'autant plus réaliste et poignante. On mesure à quel point il était impossible pour ces innus de s’adapter à la vie de semi captivité qu'on leur a proposée.
Nicole C. : Personnage hors du commun cette grand-mère fait dans son récit un hymne à la liberté et la nature. Très belle écriture.
« Shuni » de Naomi Fontaine – éd. Mémoires d’encrier - 2019
Née en 1987 dans la communauté innue, devenue enseignante et romancière. Le livre est une longue lettre à son amie Shuni, dans laquelle elle explique comment les "premiers peuplés” ont adopté la culture du colonialiste sans perdre la leur où régnait la démocratie, l'égalité homme-femme, le sens du collectif et une grande liberté dans la nature qu'ils respectaient.
Jacqueline L.: L'assimilation forcée les a rendus combatifs, ouverts à la modernité tout en restant attachés à leurs valeurs. Ce sont des résilients car ils ne se résignent pas au malheur. Cette lecture a fait pour moi écho avec la position parfois victimaire de "nos " colonisés.. »
« Pélagie la charrette » d’Antonine MAILLET- éd.
« Un grand emballement » à la lecture de cette épopée magnifique d’un peuple les Acadiens forcé à la déportation au 18ème siècle (1755) nommée innocemment « le grand dérangement».
Pélagie la charrette traversera le continent américain durant 10 ans pour rejoindre l’Acadie. Partie de la Géorgie au Sud au fur et à mesure de son trajet un flot ininterrompu de réfugiés exilés s’y regroupera, et une multitude de personnages hauts en couleurs, truculents, plus pittoresques les uns les autres nous accompagnent dans cette exode (Beausoleil, « le Robin des Mers », Bélonie le conteur et défricheteur, Célina au pied bot, sage femme, rebouteuse, et un peu sorcière fée, le géant « la P’tite Goule », qui est « de la race des Gargan et des Gargantua », elle redonne de la flamboyance à ce peuple des Acadiens déportés, maltraités, réduits à l’esclavage.
Un voyage aussi dans le langage et le folklore « vieillard tout épluché », « ca me gratte les nerfs », vocabulaire déroutant au début de la lecture, parfois difficile d’accès mais l’effort demandé vaut récompense. Des expressions à l’humour parfois féroce. Les légendes et contes transmis oralement de génération en génération, ponctuant le récit, sont de vraies merveilles.
Sylvie G. : Tragédie qu’Antonine Maillet narre avec humanité et poésie, portant toute la mémoire d’un peuple, un grand moment de lecture.
Rendez-vous le mardi 7 février Bien amicalement, Paul et Sylvie
N.B. : Pierrette et Marité se sont proposées pour l’apéritif J
Annexes :